Comment démanteler l’État racial et éloigner la classe ouvrière blanche de la tentation de l’extrême droite, alors que les fascismes semblent récolter partout les fruits du mécontentement social? Cette question, posée depuis la France, ne perd rien de sa pertinence lorsqu’elle est soulevée dans le contexte colonial particulier de l’île de la Tortue.

Dans les interventions réunies dans ce court ouvrage, la militante décoloniale Houria Bouteldja fait le pari d’un « nous » qu’elle admet d’entrée de jeu difficile à assumer. Proposer une alliance entre les classes populaires blanches et les communautés issues de l’histoire coloniale et esclavagiste et formuler un antiracisme politique à la fois stimulant et inflexible, c’est se salir les mains. Les idées de l’auteure, largement inédites chez nous, peuvent enrichir les analyses et les luttes de ce côté-ci de l’Atlantique.

En attaquant de front l’antisémitisme et l’islamophobie, celle que le professeur new-yorkais Gil Anidjar salue parce « qu’elle fait ce que personne ne fait : elle s’adresse à “nous les juifs”, plutôt que de parler de nous » ne met pas de gants blancs. Elle tient la promesse d’une parole dialogique, comme nous l’enseigne Paulo Freire et sa pédagogie des opprimé·es, en se commettant à l’auto-organisation des indigènes du Nord global comme condition d’alliance avec la gauche blanche. C’est aussi une pensée qui interpelle et force à la réflexion stratégique et tactique, ici et maintenant.