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Les éditions de la rue Dorion

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  • La pédagogie des opprimé·es
  • La pédagogie des opprimé·es

  • Paulo Freire

  • Préface d'Irène Pereira

  • Nouvelle traduction du portugais (Brésil) par Élodie Dupau et Melenn Kerhoas

  • Nouvelle traduction du portugais (Brésil) par Élodie Dupau et Melenn Kerhoas

  • 336 pages

  • Parution le 18 août 2021

  • Format Format poche (17 x 12 cm)

  • ISBN : 978-2-924834-10-7

  • Prix : 22.95 $

  • --- Format e-pub ---

  • ISBN : 978-2-924834-18-3

  • Prix : 15.99 $

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Ouvrage majeur de Paulo Freire, ce livre présente une pédagogie élaborée non seulement pour les opprimé·es, mais avec elles et eux, et dans le cadre même de leur lutte pour affirmer leur humanité. Comme plusieurs autres pédagogues, Freire rappelle que projet éducatif et projet social sont indissociables. Selon lui, le but de l’éducateur·rice est de donner aux personnes opprimées les moyens d’acquérir une conscience claire de leur position sociale, et de chercher avec elles à transformer le monde. 

Outre la notion de « conscientisation » dont on doit à Freire l’entrée dans le langage courant, les apports de cet ouvrage sont nombreux et désormais bien ancrés dans les pratiques émancipatrices en éducation : dialogue plutôt qu’imposition d’idées ; apprentissage contextualisé et significatif ; institution de nouveaux rapports entre enseignant·es et apprenant·es. Cela passe évidemment par une revalorisation des élèves, des couches populaires, de leurs savoirs propres, de leur capacité toujours intacte à appréhender le monde et à le réinventer en leur donnant les outils nécessaires pour le faire.

Écrit en 1968 au Chili où l’auteur s’était exilé à la suite de son emprisonnement par la junte militaire brésilienne, ce texte irrigue toujours la pensée de la pédagogie critique partout dans le monde et continue d’exercer une influence considérable. Selon une étude de 2016, La pédagogie des opprimé·es est le troisième ouvrage le plus cité dans le domaine des sciences humaines et sociales.

Paulo Freire (1921-1997), dont 2021 marque le centenaire de la naissance, est un penseur et un pédagogue mondialement connu pour ses travaux sur l’alphabétisation des adultes des classes populaires et son engagement dans la lutte contre l’oppression par l’éducation. Il est le Brésilien qui a reçu le plus de doctorats honoris causa : trente-cinq universités brésiliennes et étrangères lui ont décerné ce titre. En outre, quelque 350 écoles dans le monde portent son nom. Ses ouvrages sont traduits dans plus de vingt langues.

Irène Pereira a écrit et coordonné plusieurs ouvrages au sujet des pédagogies critiques qui se sont développées dans le sillage de ­l’œuvre de Paulo Freire. Elle est co-fondatrice de l’Institut bell hooks – ­Paulo Freire (France), un lieu de réflexion autour des pédagogies critiques, radicales, féministes et antiracistes.

Recension parue dans la Revue canadienne pour l’étude de l’éducation des adultes (vol. 35, no 1 août 2023, p. 133-135).

Réception de l’ouvrage de Freire

Dans sa préface de la nouvelle traduction de La pédagogie des opprimé.es1 (Freire, 2021), Irène Pereira rappelle que la pensée de Paulo Freire a été davantage propagée dans les sphères lusophones, hispanophones et anglophones que dans celles francophones. Elle précise que la perspective freirienne s’est toutefois répandue au Québec. On trouve d’ailleurs des traces de cette réception, au Québec, dans les milieux associatifs où cette pensée a influencé l’intervention sociale et le militantisme. On pense, par exemple, à la répercussion des travaux de Freire sur les pratiques du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ). On peut aussi croire que la récente publication par les Éditions de la rue Dorion ait joué un rôle déclencheur d’activités diverses, réalisées au Québec, pour saisir les contributions de l’héritage freirien à la compréhension des problèmes sociaux contemporains en matière de justice et de transformation sociale. L’article de Laurence Bergeron Michaud, Isabelle Coutant et Jean-Pierre Mercier, publié dans le présent numéro de la revue, témoigne d’une telle activité, soit des cercles de lecture créés dans la foulée du centième anniversaire de naissance de Freire. Outre ses influences effectives partout dans le monde, l’ouvrage de Freire est écrit dans un style très dense, qui demande souvent plus d’une lecture pour saisir l’ampleur de la pensée de l’auteur et la complexité des situations d’oppression qu’il prend un soin méticuleux à expliquer. Dans le premier chapitre, Freire justifie la dualité oppresseur/opprimé. Il explique que les personnes opprimées comme celles qui oppriment sont déshumanisées. Celle qui subit l’oppression est déshumanisée par celle qui l’opprime, mais cette dernière est également déshumanisée par l’oppression. Pour Freire, l’oppression est si fréquente que la société en général la naturalise, comme si elle habitait la société. Freire rappelle que l’oppression s’instigue jusque dans les manières de penser des opprimé.es qui projettent d’atteindre le niveau de l’oppresseur et donc de le devenir aussi. Néanmoins, pour Freire, la situation est réversible grâce à l’éducation. L’approche que Freire décrit dans son ouvrage, développée dans les années 1960, continue d’être pertinente pour débusquer les situations contemporaines d’oppressions. L’auteur propose notamment des critères pour dévoiler et délimiter ces situations. Pour lui, de telles situations sont présentes lorsqu’on peut observer l’exercice du contrôle, l’absence de dialogue, la présence de slogans et l’aliénation des personnes. Sur la théorie de l’action contre-dialogique utilisée par l’oppresseur, Freire révèle qu’il s’agit d’une façon de maintenir des situations d’oppression. Il explique que l’invasion culturelle est une forme camouflée d’oppression visant à désunir les personnes opprimées, afin qu’elles deviennent fragiles et facilement manipulables. Inversement, Freire, dans son texte original, retient des critères qui doivent être combinés pour mettre en œuvre l’action dialogique : la coopération, l’union, l’organisation et la synthèse culturelle. Ces critères vont de pair avec l’approche pédagogique que Freire propose pour contrer les situations d’oppression que les personnes et les collectifs en situation de précarité rencontrent. La pédagogie des opprimé·es comme Freire l’a pensée, pour qu’elle mène au progrès social, commence par le fait de documenter les situations d’oppression avec et pour le peuple, en écoutant, en observant et en cherchant à décoder ces mêmes situations. Freire propose ensuite d’agir avec les personnes impliquées dans cette approche pédagogique pour contrer les situations qu’elles rencontrent, voire pour renverser celles-ci.

Nouvelle traduction française

À une époque d’escalade de l’extrémisme religieux et politique, de l’intolérance et de l’ignorance dans le monde, une nouvelle traduction de la Pédagogie des opprimé·es renouvèle les espoirs pour (ré)imaginer un monde plein de possibilités et libéré de l’oppression. Cette nouvelle traduction est en mesure de fournir des outils conceptuels et pédagogiques pour résister aux offensives néolibérales contre l’éducation dans son sens le plus émancipateur. Au Brésil, l’ancien président de l’extrême droite, Jair Bolsonaro, a mené une bataille pour annuler les apports de Freire à l’éducation brésilienne. Ces récentes attaques contre l’héritage de Freire témoignent de l’importance et de la portée de son travail. Cette œuvre a inspiré les mouvements sociaux, les pédagogies féministes ainsi que la lutte contre le racisme. Interrogé par les féministes nord-américaines, telles que bell hooks (1994) au sujet de l’utilisation du masculin dans son ouvrage, Freire a accepté et a reconnu son angle mort. Puis il a commencé à utiliser un langage inclusif dans ses œuvres ultérieures. Un bon exemple est le livre intitulé Pédagogie de l’espérance, qui revisite la Pédagogie des opprimé·es (Freire, 1992). Et, en ce sens, la récente traduction en français de l’ouvrage fondateur de Freire témoigne de cette reconnaissance par l’auteur. Dans cette nouvelle traduction, le choix de l’écriture inclusive pour le titre et l’ensemble du texte montre déjà le choix éditorial de proposer une lecture contemporaine du texte de Freire et une alternative à la traduction du portugais au français publiée aux éditions Maspero, en 1974. L’usage d’un langage inclusif dans cette nouvelle traduction de la Pédagogie des opprimé·es risque de ne pas plaire aux lecteurs ou lectrices qui pensent qu’une œuvre doit être conservée avec des erreurs pour témoigner de l’évolution de Freire en tant qu’auteur, philosophe et militant. Cependant, cette nouvelle traduction s’harmonise avec la perspective changeante de Freire et a pris soin d’appliquer ses propres principes de justice sociale. À cet égard, cette nouvelle traduction a le potentiel d’influencer le monde francophone à repenser les pratiques éducatives axées sur la justice sociale au sein des écoles, des communautés et des mouvements sociaux.

Exemples contemporains

Le travail de Freire peut contribuer à imaginer des solutions pour contrer des situations d’oppression dans notre société. Dans la recherche d’Audrey Dahl (2018) au sein d’un organisme communautaire, l’autrice a invité des personnes peu scolarisées à devenir enseignantes de leurs métiers, suscitant chez elles la fierté de ce qu’elles font. Un autre exemple concerne les ateliers d’écriture littéraire en groupe, offerts exclusivement aux femmes immigrées dans le Comité social Centre-Sud, à Montréal. De tels ateliers ont permis à des femmes peu à l’aise avec l’écrit de contribuer à une production littéraire collective avec le soutien d’autres personnes qui écrivaient avec et pour ces femmes. De telles pédagogies peuvent être vues comme inspirées de la pédagogie de Freire. Ces pédagogies aident les individus et les collectivités à lutter contre toutes sortes d’oppression. En ce sens, la nouvelle traduction de l’ouvrage de Freire apparait plus pertinente que jamais, parce qu’aujourd’hui encore, les voix des personnes et des collectivités opprimées demeurent trop souvent silencieuses et brimées.

Eluza Maria Gomes Université du Québec à Montréal Marlon Sanches Université du Québec à Montréal Jean-Pierre Mercier Université du Québec à Montréal 1 Pedagogia dos Oprimidos (Freire, 1974).

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