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  • Le nettoyage ethnique de la Palestine
  • Le nettoyage ethnique de la Palestine

  • Ilan Pappé

  • Avec une nouvelle préface de l'auteur

  • Traduit de l’anglais par Paul Chemla

  • 376 pages

  • Parution le 30 avril 2024

  • Format 14 x 22,5 cm

  • ISBN : 978-2-924834-60-2

  • Prix : 29.95 $

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UN OUVRAGE ESSENTIEL POUR COMPRENDRE LES RACINES HISTORIQUES DE LA SITUATION ACTUELLE

Dans ce livre majeur, Ilan Pappé, historien israélien de renom, revient sur la formation de l’État d’Israël : entre 1947 et 1949, plus de 400 villages palestiniens ont été délibérément détruits, des populations civiles ont été massacrées et près d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants ont été chassés de chez eux sous la menace des armes. Ce nettoyage ethnique, que l’on appelle aussi la Nakba ou la catastrophe, a été passé sous silence pendant plus de soixante ans et peine encore aujourd’hui à être considéré dans sa pleine mesure.

S’appuyant sur quantité d’archives, de journaux personnels et de témoignages directs, Ilan Pappé réfute indubitablement le mythe selon lequel la population palestinienne serait partie d’elle-même et démontre que, dès ses prémices, l’idéologie fondatrice d’Israël a œuvré pour l’expulsion forcée de la population autochtone.

Ce grand livre d’histoire est hélas aujourd’hui une lecture indispensable, brûlante d’actualité.

Note : ce titre, d’abord paru chez Fayard en 2008, a été retiré par l’éditeur de son catalogue en novembre 2023. Il reparaît aujourd’hui avec une nouvelle préface de l’auteur, simultanément aux Éditions de la rue Dorion (Montréal) et chez La Fabrique éditions (Paris).

Ilan Pappé est né à Haïfa mais réside aujourd’hui en Grande-Bretagne. Professeur à l’université d'Exeter, il est l’un des plus brillants des « nouveaux historiens » israéliens. Il est l’auteur de La guerre de 1948 en Palestine (2000) et Les démons de la Nakba (2004).

Ce 10 mai, l’ouvrage de l’historien Ilan Pappé, Le nettoyage ethnique de la Palestine sort de nouveau mais chez La Fabrique. Il avait été d’abord publié par Fayard qui s’en est « débarrassé ». L’essai est sans doute trop gênant pour ceux qui veulent nier ce crime majeur que constitue l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens en 1947-1950.

Le Nettoyage ethnique de la Palestine Ilan Pappé (traduit de l’anglais par Paul Chemla) La Fabrique éditions 10 mai 2024 396 pages 20 euros

Il y a 75 ans, la première guerre judéo-palestinienne puis israélo-arabe se concluait par ce que les Palestiniens appellent la Nakba – la catastrophe. En l’occurrence, elle était triple : l’État juif avait vu le jour sur un territoire plus grand d’un tiers que celui prévu par le plan de partition de l’Organisation des Nations unies (ONU) voté le 29 novembre 1947, l’État arabe lui était mort-né, partagé entre Israël, la Transjordanie et l’Égypte, et près de 800 000 Palestiniens avaient été forcés à l’exil. Depuis, les origines de ce conflit qui ensanglante encore le Proche-Orient font l’objet d’un débat presque ininterrompu entre historiens palestiniens et israéliens, mais aussi entre ces derniers.

Parmi eux, deux chercheurs incarnent les principales visions en présence. Pionnier de la « nouvelle histoire », Benny Morris s’en tenait dès son premier livre à une thèse « centriste ». « Le problème palestinien, assurait-il, est né de la guerre, et non d’une intention, juive ou arabe ». Ilan Pappé, au contraire, a toujours interprété l’expulsion des Palestiniens comme le résultat d’un « nettoyage ethnique » prémédité. C’est tout le sens de son livre majeur, The Ethnic cleansing of Palestine qu’Henri Trubert a eu le courage de publier chez Fayard en 2008, sous le titre Le nettoyage ethnique de la Palestine.

FAYARD SE DÉSISTE

S’agissant du Proche-Orient, on le sait, la réalité dépasse souvent l’affliction. Ainsi, le 7 novembre 2023, Fayard a annoncé le retrait de ce livre de son catalogue. Pour Henri Trubert qui, depuis, a créé les éditions Les Liens qui Libèrent, « cette censure est doublement lamentable. D’abord parce qu’elle sanctionne un livre indispensable à la compréhension du conflit israélo-palestinien. Ensuite parce que, au-delà de Fayard, elle révèle la dégradation du débat intellectuel dans notre pays ». Ajoutons que Fayard n’a même pas eu l’honnêteté d’assumer sa décision liberticide : l’éditeur la camoufle derrière un problème juridique. « Le contrat, affirme-t-il, était caduc depuis le 27 février 2022. La maison a donc acté, le 3 novembre dernier, sa fin d’exploitation ». Pourtant, selon Edistat, un site de statistiques qui publie les ventes de livres en France, 203 des 307 exemplaires du livre vendus cette année ont trouvé preneur après le début des attaques israéliennes sur Gaza. Fort heureusement, La Fabrique a sauvé l’honneur de l’édition française en republiant, dès ce mois de mai, Le nettoyage ethnique de la Palestine.

Quiconque voudra comprendre la Nakba pourra donc lire ou relire cette contribution exceptionnelle à la recherche et au débat historique à ce sujet. Car non seulement Pappé développe son approche de manière approfondie et cohérente, mais il le fait à la manière de Benny Morris : avec des citations fortes tirées des archives de la Haganah, du Palmah, de l’armée israélienne, ainsi que des journaux de David Ben Gourion et d’autres dirigeants juifs.

Le livre s’ouvre sur la « Maison rouge », cet immeuble Bauhaus de Tel-Aviv devenu, en 1947, le quartier général de la Haganah. Ce 10 mars 1948, onze hommes,

vieux dirigeants sionistes et jeunes officiers juifs, apportent la touche finale à un plan de nettoyage ethnique de la Palestine. Le soir même, des ordres militaires sont diffusés aux unités sur le terrain afin qu’elles préparent l’expulsion systématique des Palestiniens de vastes zones du pays. Ces ordres comprenaient une description détaillée des méthodes à employer pour chasser les gens par la force.

Six mois après,

plus de la moitié de la population autochtone de la Palestine, soit près de 800 000 personnes, avait été déracinée, 531 villages détruits et onze villes vidées de leurs habitants.

D’ATROCITÉS EN MASSACRES

Les « nouveaux historiens » se sont bien sûr efforcés de réviser la version traditionnelle de la guerre de 1948. « J’étais l’un d’eux », ajoute Pappé qui, autocritique, estime néanmoins que ses confrères se sont « concentrés sur les détails ». Certes, grâce aux archives militaires israéliennes, ils ont pu non seulement démontrer l’absurdité de la thèse selon laquelle les Palestiniens seraient partis volontairement, mais aussi confirmer « beaucoup de cas d’expulsions massives » de villages et de villes et révéler « un nombre considérable d’atrocités, y compris de massacres ».

Mais leur démarche comportait, ajoute Pappé, une limite majeure, évidente chez le précurseur de la « nouvelle histoire ». Le fait de s’appuyer exclusivement sur les archives, considérées comme l’expression d’une « vérité absolue », les a conduits à une appréhension déformée de la réalité sur le terrain. Si Morris et les autres s’étaient tournés vers l’histoire orale, y compris arabe, ils auraient pu mieux saisir la « planification systématique derrière l’expulsion des Palestiniens en 1948 ».

Il est évidemment impossible de résumer ici Le Nettoyage ethnique de la Palestine. Un fait, à mes yeux, suffit à ébranler la thèse d’une expulsion non planifiée : la constitution, dès avant la Seconde guerre mondiale, d’un fichier de tous les villages arabes. C’est un jeune historien de l’université hébraïque de Jérusalem qui en a été chargé. Ce topographe « suggéra de conduire une inspection à l’aide de photographies aériennes ». Les meilleurs photographes professionnels du pays ont contribué au projet, un laboratoire étant installé dans la maison de Margot Sadeh, l’épouse de Itzhak Sadeh, chef du Palmah !

Ainsi ont été constitués des dossiers détaillés sur chacun des villages de Palestine, qui comprenaient, explique Pappé,

les routes d’accès, la qualité de la terre, les sources, les principales sources de revenu, la composition sociologique, les affiliations religieuses, le nom des muktars, les relations avec les autres villages, l’âge des habitants hommes (de 16 à 50 ans) et bien d’autres choses.

Le dossier le plus important était :

un index de l’« hostilité » à l’égard du projet sioniste, à partir du niveau de la participation du village à la révolte de 1936. Une liste comportait quiconque y avait pris part et les familles de ceux qui avaient perdu quelqu’un dans le combat contre les Britanniques. Une attention particulière était prêtée aux gens qui avaient prétendument tué des Juifs. En 1948, cette dernière information alimentera les pires atrocités dans les villages, conduisant à des exécutions de masse et à des tortures.

« UNE EXPULSION N’EST PAS UN CRIME DE GUERRE »

Plus la fin du mandat britannique était proche, et plus

l’information s’orienta de manière explicitement militaire : le nombre de gardes (la plupart des villages n’en avaient aucun) et les quantité et qualité des armes à la disposition du village (en général archaïques ou même absentes).

Pour compléter leurs fichiers, Ezra Danin et son assistant, Yaacov Shimoni, ont recruté d’autres collaborateurs, parmi eux des « informateurs » palestiniens. L’historien précise :

L’actualisation définitive des dossiers des villages se déroula en 1947. Elle se focalisa sur la constitution de listes de personnes “recherchées” dans chaque village. En 1948, les troupes juives utilisèrent ces listes pour les opérations de recherche et d’arrestation qu’elles conduisaient dès qu’elles occupaient une localité. Les hommes étaient alignés et ceux qui figuraient sur les listes étaient identifiés, souvent par la même personne qui avait fourni les informations à leur sujet (…), la tête recouverte d’un sac avec deux yeux afin de ne pas être reconnue. Les hommes ainsi choisis étaient souvent abattus sur le champ.

Après Le Nettoyage ethnique de la Palestine, nul ne pourra plus raconter honnêtement 1948 comme avant. Paradoxalement, dix-sept ans plus tard, Benny Morris a fini par confirmer l’analyse de Pappé dans une interview au quotidien israélien Haaretz :

Dans certaines conditions, une expulsion n’est pas un crime de guerre. Je ne pense pas que les expulsions de 1948 étaient des crimes de guerre. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. (...) Il y a des circonstances dans l’histoire qui justifient le nettoyage ethnique. Quand le choix est entre le nettoyage ethnique et le génocide – l’annihilation de votre peuple –, je préfère le nettoyage ethnique. Un État juif n’aurait pas pu être créé sans déraciner 700 000 Palestiniens. Il était donc nécessaire de les déraciner. Il n’y avait pas d’autre choix que d’expulser cette population.

DOMINIQUE VIDAL Journaliste et historien, auteur notamment de Comment Israël expulsa les Palestiniens, éditions de l’Atelier, 2023.

L’affaire Ilan Pappé a commencé en catimini : à partir de novembre 2023, les libraires français ne recevaient plus d’exemplaires du livre intitulé Le nettoyage ethnique de la Palestine. Or, depuis les attentats terroristes du Hamas le 7 octobre, la demande avait bondi pour cet ouvrage des éditions Fayard, même s’il datait de février 2008 – pas exactement une publication d’actualité. Il s’agissait d’une analyse de fond.

Ilan Pappé est professeur d’histoire et directeur du Centre européen d’études palestiniennes à l’Université d’Exeter (Grande-Bretagne). Il fait partie de ce qu’on appelle en Israël le groupe des « nouveaux historiens ». Son grand apport consiste à avoir examiné les documents des archives israéliennes et internationales des années 1948 et 1949 qui ont présidé à la création de l’État hébreu et à la fuite concomitante d’environ 700 000 Arabes de Palestine.

Mais pourquoi les éditions Fayard ont-elles suspendu sans explication la diffusion d’un tel ouvrage ? Quand les médias français ont contacté l’éditeur, ils se sont fait répondre que « le contrat était caduc depuis le 27 février 2022. La maison a donc acté, le 3 novembre dernier, sa fin d’exploitation ». Interrogée par un libraire, la directrice de Fayard, Isabelle Saporta, précisera que la maison d’édition était soumise à « une pression croissante pour limiter l’expression de “voix discordantes” en France ».

Depuis lors, la directrice a été licenciée. Impossible de savoir quel est le rôle de l’affaire Ilan Pappé dans ce licenciement, mais il faut quand même préciser que Fayard venait précisément d’être repris par le groupe Bolloré, un géant des médias (Havas, Canal+, CNews, etc.) avec un parti-pris ouvertement conservateur.

Que faire avec ce livre orphelin ? Deux maisons d’édition sont immédiatement montées au front pour préserver la liberté d’expression mise en péril par les grandes manœuvres de l’édition française. Il s’agit à Paris des éditions La Fabrique, engagées pour la cause palestinienne depuis leur création, et à Montréal des Éditions de la rue Dorion. Pari gagné : le 29 avril 2024, le livre sortait enfin en librairie au Québec.

Disons qu’il fallait une bonne dose de courage pour reprendre un tel titre. En effet, à partir des archives nationales israéliennes et de sources aussi indiscutables que la correspondance du père de l’indépendance David Ben Gourion, Ilan Pappé raconte comment l’armée de l’État d’Israël, alors en voie de formation, a chassé la population palestinienne des villages et détruit les maisons pour que les gens ne puissent jamais y revenir, le tout sous les yeux des observateurs des Nations unies.

Les choses se passaient selon un scénario bien rodé. Les troupes israéliennes encerclaient un village sur trois côtés. Un tank ou un camion pénétrait dans le village avec des haut-parleurs et intimait aux habitant·es de sortir de leurs foyers. Les hommes étaient séparés des femmes et on les identifiait à l’aide d’une liste. Ceux qui avaient fomenté entre 1936 et 1939 des révoltes contre l’immigration juive étaient abattus. Les autres pouvaient rejoindre les femmes et les enfants, qui fuyaient par le seul chemin laissé libre.

Au total, cette histoire s’est répétée dans quatre cents villages qui ont été détruits, et dans les quartiers arabes des grandes villes qui ont été vidées de leur population. Cette histoire répétitive et lamentable s’inscrit en faux contre le récit officiel de l’État israélien, qui veut que la population palestinienne se soit enfuie dans le désordre pour répondre aux appels des radios arabes des pays voisins, qui l’auraient incitée à fuir le nouvel État d’Israël.

Ilan Pappé montre au contraire que la déportation des Arabes de Palestine a été organisée dans ses moindres détails dans un plan appelé Daleth adopté le 10 mars 1948 à Tel-Aviv. Des spécialistes des affaires arabes avaient identifié des personnes à exécuter pour les punir rétroactivement d’avoir participé à des émeutes sous le mandat britannique et pour, du même coup, terroriser le reste de la population et la contraindre à s’enfuir. Non contents d’avoir vidé le pays de sa population et de s’être emparés de leurs terres fertiles – et non pas un désert comme le veut la légende noire répandue par le discours dominant –, les envahisseurs israéliens se sont efforcés d’en transformer le paysage.

Dans Le nettoyage ethnique de la Palestine, on découvre non seulement les exactions subies par la population palestinienne, mais aussi comment une idéologie européenne – le sionisme – a effacé la mémoire historique, topographique et même géographique de ce vieux pays méditerranéen, où une population musulmane vivait jusque-là en bonne entente avec des minorités chrétiennes et juives autochtones. Réactivant cette mémoire, l’ouvrage d’Ilan Pappé soulève ainsi un coin du rideau opaque qui a recouvert la Palestine au moment de l’indépendance de l’État d’Israël – et qui continue de la recouvrir.

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